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Affaire 28 septembre 2009 : les avocats des parties civiles continuent de “faire le procès” des accusés

by La Rédaction

Le procès des événements du 28 septembre 2009 se poursuite devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d’appel de Conakry. Ce sont les plaidoiries qui continuent. Au moins quatre avocats des parties civiles s’y sont attelés au compte de la journée de ce lundi 20 mai.

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L’un des premiers fut Me Amadou Kamano qui a affirmé que le commandant Toumba et Tiegboro étaient allés au stade pour arrêter les leaders, les envoyer au camp Alpha Yaya et les enfermer dans des conteneurs. Le commandant Toumba et le colonel Tiegboro disent avoir sauvé les leaders politiques. Mais, je ris, a-t-il entamé.

“Quand ces leaders ont organisé ce meeting, quel danger les guettait ? Sans la présence des hommes du commandant Toumba et du colonel Tiegboro au stade, ces leaders étaient-ils en danger ? Donc, ne créez pas d’alibi. Ces leaders, c’est vous qui les avez mis en danger. Car, par votre présence il y a eu des tueries, il y a eu des viols à ciel ouvert. Les gens ont été molestés et torturés au camp Koundara et au camp Alpha Yaya Diallo”, a dit l’avocat.

Me Amadou Kamano a ajouté que le département du colonel Moussa Tiegboro Camara n’avait aucune mission de maintien d’ordre. Le colonel Tiegboro a passé presque toute la nuit du 27 au 28 septembre auprès du président Moussa Dadis Camara dans sa résidence au camp Alpha Yaya Diallo où il a reçu l’ordre de mater les manifestants, a-t-il affirmé.

Le matin du 28 septembre, a poursuivi Me Kamano, le colonel Tiegboro et ses hommes ont rallié le stade avec plusieurs pick-up. “Quelques temps après, le colonel Tiegboro engage une sorte de sensibilisation couronnée de menace dans le sens de faire annuler le meeting. Mais constatant qu’un groupe de manifestants n’obéït pas à ses ordres, il a ordonné à ses hommes d’agir. Ceux-ci ont lancé des gaz lacrymogènes et ont tiré des balles réelles, tuant deux manifestants”, a-t-il accusé.

Le même avocat a profité de l’occasion pour accuser Toumba et le groupe de bérets rouges qu’il commandait, selon lui, d’avoir tiré à balles réelles et à bout portant sur des manifestants

Me Amadou Kamano l’a affirmé sans ambages. Selon lui, le commandant Aboubacar Diakité dit Toumba et un groupe de bérets rouges à sa solde sont ceux qui ont abattu les manifestants à bout portant au stade.

C’est pendant que les militants de l’opposition, étant tous civils non armés, écoutaient le meeting, a-t-il expliqué, que les gendarmes des services spéciaux, sous les ordres du colonel Tiegboro, ont lancé les gaz lacrymogènes.

“C’est dans cette fumée que le commandant Toumba et le groupe de bérets rouges qu’il commandait ont fait irruption dans le stade en tirant à balles réelles et à bout portant sur les militants. Plusieurs personnes ont vu le commandant Toumba à la tête des bérets rouges et en train de tirer. Il était le commandant du régiment commando, les bérets rouges. Cet acte n’est pas à nier, puisque devant nous un acte signé par le commandant Toumba atteste ses fonctions sans aucun doute », a rappelé Me Amadou Kamano.

Après Toumba et Tiegboro, Me Amadou Kamano a fait face au capitaine Dadis Camara.

Il a entamé en accusant l’ancien président du CNDD d’avoir bâti son pouvoir sur le fétichisme avant de le présenter comme l’organisateur, le planificateur et le bénéficiaire principal du massacre du 28 septembre 2009.

“Selon Aboubacar Diakité alias Toumba, presque tous les membres du CNDD ont scellé un pacte de non trahison devant un féticheur, avant d’entrer en fonction. Beaucoup de bérets rouges de la garde présidentielle arboraient des cauris sur leur tête et en tenue militaire. On peut citer parmi ceux-là le capitaine Marcel Guilavogui, Colonel Claude Pivi, Joseph Makambo. Le capitaine Moussa Dadis Camara lui-même avait son féticheur spécial qui s’appelait Foromo. Or, tout pouvoir assis sur le fétichisme est fragile”, a-t-il asséné.

L’avocat des parties civiles a ajouté que le capitaine Dadis Camara a tout simplement voulu donner des leçons à ceux-là qui s’intéressent au pouvoir.

“Il faut mater les opposants, endeuiller leurs familles, piller leurs économies, effrayer, réduire au silence, voire même effacer complètement l’opposition démocratique par ces méthodes machiavéliques. L’ordre d’aller mater les manifestants civils non armés dans le stade fermé vient du capitaine Moussa Dadis Camara. C’est d’ailleurs ce qui justifie l’énervement du capitaine Dadis le matin qui voit que le commandant Toumba n’était pas allé sur les lieux. Et lui-même voulait y aller avec des troupes”, a accusé Me Amadou Kamano.

Pour lui donc, en sa qualité de chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire, commandant en chef des forces armées, le capitaine Moussa Dadis Camara tombe sur le coup de la loi pénale sur les crimes contre l’humanité.

Me Aboubacar Sidiki Camara a aussi plaidé. Cet autre avocat des parties civiles a invité le tribunal à rendre une décision historique et exemplaire. Avant de formuler sa demande, l’avocat s’est déployé à mettre à nue la responsabilité du capitaine Moussa Dadis Camara dans le massacre du 28 septembre 2009.

Monsieur le président, à la fin de ce procès il y aura trois verdicts, a-t-il indiqué. Selon lui, il s’agit des verdicts du tribunal, du peuple de Guinée et celui de chacun des accusés.

“Je laisse librement à ces accusés de choisir entre ces trois verdicts le meilleur pour eux. Monsieur le président, la décision que vous devez rendre dans cette affaire doit être historique, ça doit servir d’exemple à toute personne animée des mêmes ambitions démesurées qui ont conduit à ces faits. La force doit rester à la loi”, a demandé Me Aboubacar Sidiki Camara.

A la suite de Me Aboubacar Sidiki Camara, Me Mamadou Tafsir Barry a réitéré sa demande de requalification des faits en crimes contre l’humanité. Il a aussi plaidé ce lundi 20 mai 2024 devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Au cas par cas, cet avocat des parties civiles a tenté de situer la responsabilité de chacun des accusés par rapport aux événements du 28 septembre 2009.

Il a surtout parlé du capitaine Moussa Dadis Camara, de Mamadou Aliou Keïta, du colonel Abdoulaye Cherif Diaby et du colonel Moussa Tiegboro Camara. Sans disculper les autres, il a affirmé que ces quatre accusés sont suffisamment coupables des faits à eux reprochés. C’est pourquoi par la suite, il a demandé au tribunal de requalifier les faits en crimes contre l’humanité.

« Monsieur le président, l’affaire de requalification est au cœur de cette affaire. Si nous prenons le code pénal du 26 octobre 2016, l’article 194 dispose que : est considéré crimes contre l’humanité lorsqu’il y a une attaque généralisée et systématique de la population, en connaissance de cause de cette attaque. Dans les mêmes infractions, vous retrouvez le viol, le meurtre, l’assassinat, la torture, la déportation, etc. La torture est réprimée aussi le pacte international des droits civils et politiques en son article 7, alors que le viol est réprimé par l’article 8 du pacte international des droits civils et politiques. La gravité des infractions a fait que le monde entier a découvert l’envers du décor, le chapelet d’horreurs dans l’histoire de la Guinée contemporaine. Monsieur le président, c’est des crimes contre l’humanité”, a martelé Me Tafsir Barry.

Selon lui, l’ampleur du massacre a occasionné la démission des ministres du gouvernement. Me Tafsir réaffirme qu’il y a eu des morts, des disparus, des tortures et 109 femmes ont été violées, tout en ajoutant que le gouvernement a opté pour la dénégation des faits. Il a aussi sollicité des réparations.

“Monsieur le président, c’est sans ambages, sans ambiguïté que je sollicite des intérêts civils. Et sur l’action publique, de déclarer ces accusés coupables et de requalifier les faits selon les dispositions combinées de l’article 194, 195, 196, 198, 199 du code pénal guinéen et le statut de Rome en application des articles 7, 25, 77 et 110. Monsieur le président, en le faisant, vous aurez rendu une bonne et saine justice”, a-t-il indiqué.

Le quatrième avocat qui a plaidé ce lundi 20 mai 2024, est Me Kabinet Kourala Keïta. Aux cours de ses plaidoiries, l’ex-chef de la junte s’est emporté quand il a fait allusion à l’évasion de l’homme de la maison centrale.

Le capitaine Moussa Dadis Camara s’est emporté. Mais aussi, il s’en est pris à l’avocat qui a avait la parole. Ce qui l’a choqué, c’est qu’au delà du fait qu’il cherchait à justifier la culpabilité de Dadis dans le massacre du 28 septembre 2009, Me Kabinet Kourala Keïta est allé jusqu’à faire allusion à la tentative d’évasion du capitaine et de ses codétenus de la maison centrale de Conakry.

Cette évasion a été bien planifiée par le capitaine Moussa Dadis Camara, a affirmé l’avocat. “Pire, le président Dadis a tenté de s’évader mais M. le président c’est inacceptable, un président qui cherche à s’évader ! C’est inacceptable. Mais est-ce que le président Dadis connaît le sens de l’évasion ? C’est de se soustraire de la justice de son pays, c’est de se soustraire à la rigueur de la loi, c’est de se soustraire à sa responsabilité, c’est de fuir sa responsabilité. C’est extraordinaire », a asséné Me Kourala Keïta .

Il n’en fallait pas plus pour sortir l’accusé de ses gongs. Dans la colère, le président du CNDD a sauté de son siège pour répondre aux propos de l’avocat. “Vous avez de la haine! Vous n’êtes pas des spécialistes! On est dans un cas spécial vous n’allez pas vous arrêter ici, dire des paroles insensées. C’est une exagération. Même si on a la sagesse mais il y a des comportements qu’on ne peut pas accepter. On ne vit qu’une seule fois, la dignité d’un homme est très chère. Vous ne pouvez pas vous arrêter, dire des paroles insensées”, a répliqué le capitaine Dadis.

L’avocat ne voulant pas lui lâcher les baskets, a rétorqué en disant que : “C’est la vérité”. Dadis est davantage choqué. Il réplique encore une fois. “c’est insensé ce que vous dites. Regardez-moi ça, vous étiez là-bas”, s’est-il lâché.

Le juge est intervenu pour calmer les ardeurs. Ibrahima Sory Tounkara a commencé par rappeler Moussa Dadis à l’ordre. “Monsieur Camara quand vous dépassez les bornes le tribunal sera obligé d’intervenir. Qu’est ce que cela veut dire ? », a-t-il interrogé. Il a ensuite demandé à l’accusé de se calmer.

“Vous avez intérêt à vous calmer. Vous êtes là on va parler de vous, ça, vous ne pouvez pas l’interdire. Je vous ai dit dès qu’on va vous adresser un terme blessant le tribunal interviendra pour demander à l’intéressé de retirer. Il dit des choses, est ce que vous êtes jugés ? Est ce qu’il y a une décision dans ce sens ? Il est libre de parler et vous êtes obligés d’écouter, de suivre. Quand le moment viendra, vous aurez le temps de réagir. Mais on ne va plus tolérer un tel comportement s’il-vous-plaît. On ne parle pas que de vous, on cite le nom de tout un chacun ici. Pourquoi ça vous irrite? Donc une fois de plus soyez sereins”, a exhorté le président du tribunal.

L’audience s’est poursuivie par la suite. L’avocat a continué de plaider. Me Kabinet Kourala Keïta a même demandé au ministère public de requérir les circonstances les plus aggravantes contre le président Dadis. Cet avocat met en avant le refus de l’accusé de reconnaître les faits portés à son encontre.

Author: La Rédaction

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