Minerais de sang, contrebande de produits agricoles, contrefaçon de médicaments, etc. sont des fléaux pour les populations africaines. Résultats de la mal-gouvernance chronique du continent, ils perpétuent un cercle vicieux de conflits, de corruption, de vulnérabilité sanitaire et d’évasion des ressources. Soit des pertes sèches, humaines et capitalistiques, pour les pays du continent. Sans compter les dégâts vis-à-vis de ses clients et des investisseurs internationaux.
Comment endiguer ces maux qui usent les forces vives africaines et minent leur développement ? La progression des normes, processus et technologies de traçabilité constitue des solutions qui sont à la disposition de la plupart des secteurs et des filières touchés. Un rapport récemment publié par Casablanca Finance City (CFC) et l’entreprise suisse SICPA, leader mondial de la traçabilité, fait à ce titre une synthèse de l’état de l’art dans le domaine, notamment l’alimentation et la santé, et donne des clefs pour saisir l’ampleur du phénomène.
Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’une augmentation, ces dernières années et jusqu’en 2023, des initiatives de ce type sur tout le continent, notamment en Afrique de l’Ouest et dans les Grands Lacs, deux régions instables et marquées par de nombreux trafics et pratiques illicites. S’il s’agit d’un début, la tâche semble encore longue et dépendra aussi de la capacité des États africains à poursuivre les efforts dans la durée. Mais, dans le domaine de la collecte fiscale, les retours d’expérience sont déjà positifs. La Tanzanie et le Togo, qui ont eu recours aux technologies du groupe SICPA, revendiquent des augmentations de respectivement 60 % et 35 % de recettes sur les droits d’accise des bières, vins et spiritueux.
Hydrocarbures, minerais : la contrebande du sang
Les illégaux (stupéfiants, armes, esclaves, etc.) sont nombreux sur le continent. Parmi eux, la contrebande d’hydrocarbures et de métaux rares (cobalt, etc.) ou précieux (or, etc.) qui génèrent de hauts revenus.
Ainsi, les pays du Sahel et la RDC sont soumis à la fuite de leurs ressources aurifères via l’orpaillage illégal et le marché noir. Au Sahel, l’activité représente près de 2 milliards de dollars. En RDC, c’est la quasi-totalité de l’or national qui est écoulé clandestinement. En plus d’échapper aux pouvoirs publics, ces revenus participent au financement des groupes armés, terroristes ou rebelles qui contrôlent, en partie, les sites d’extraction et le transport. De facto, les trafics participent à la perpétuation des conflits civils et séparatistes. De plus, l’orpaillage illégal, qui rejette de grandes quantités de mercure et de cyanure dans la nature, constitue une catastrophe environnementale.
En janvier 2023, après l’échec de plusieurs dispositifs, le gouvernement congolais officialise le déploiement progressif d’un nouveau système de traçabilité. L’initiative est lancée en coopération avec les Émirats arabes unis. En quelques jours d’ouverture, les entreprises émiraties ont permis au gouvernement d’augmenter de 100 % ses ventes d’or par rapport à l’année précédente. À noter qu’en RDC la filière des 3T (Étain, Tungstène, Tantale), fait aussi l’objet de programmes de traçabilité, notamment celui développé par le bureau minier allemand (BGR). Ces métaux rares sont critiques pour l’industrie de haute technologie (numérique, énergies vertes, défense, etc.).
Le vol et la contrefaçon d’hydrocarbure participent des mêmes défis. Les vols (canalisations illégales, percement de pipe-lines, etc.) et le frelatage de carburants minent les économies des pays concernés via la perte des revenus fiscaux, l’endommagement des infrastructures et la perte de confiance dans les filières. Sans compter les dégâts environnementaux. Le Nigéria, plus gros producteur africain de pétrole, en subit les dégâts avec plus de 5 milliards de dollars de pertes en 2021… La Libye est, elle aussi, confrontée au problème avec près de 800 millions de dollars de manque à gagner du fait des vols et de la contrebande. Plusieurs solutions de traçage existent telles que le marquage chimique des carburants.