« Le football ne s’arrête jamais sur BeIn Sports. » Pour les amateurs de football, le slogan de la célèbre chaîne de télévision qatarie n’aura jamais semblé aussi approprié que maintenant. En effet, après la Coupe d’Asie des Nations (ACN) et la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), remportées respectivement par le Qatar et la Côte d’Ivoire en février, ce mois de juin est marqué par le lancement de deux autres grandes compétitions continentales : le Championnat d’Europe des Nations (Euro) en Allemagne et la Copa América aux États-Unis, cette dernière se déroulant du 20 juin au 14 juillet.
Cette Copa América est particulièrement symbolique pour le pays hôte, car tout d’abord, ce sera la deuxième fois qu’il l’accueille, mais aussi parce que ce sera l’occasion de tester ses installations en grandeur nature en prélude à la préparation du premier Mondial à 48 équipes prévu en 2026, co-organisé avec le Canada et le Mexique.
L’Euro 2024, quant à lui, a déjà offert des rencontres spectaculaires, avec des matchs haletants et une belle ambiance dans les stades, même si la qualité de certaines pelouses pourrait être améliorée. Sur le terrain toujours, les matchs de la première journée de la phase de poule ont produit un total de 34 buts en 12 rencontres, soit une moyenne de 2,83 buts par match. Espérons que cela continue… On attend avec impatience de voir si la Copa América rivalisera en intensité et en spectacle.
Au pays de l’Oncle Sam donc, 16 équipes réparties en 4 poules tenteront de remporter le trophée. Parmi les favoris, l’Argentine et le Brésil dominent les pronostics, mais d’autres équipes comme la Colombie ou encore l’Uruguay pourraient créer la surprise car elles disposent d’un potentiel intéressant pour bouleverser la hiérarchie établie.
Plus globalement, les semaines à venir soulèveront inévitablement d’autres questions, notamment concernant l’avenir de deux des plus grands joueurs de l’Histoire de ce sport que sont Léonel Messi et Cristiano Ronaldo ou encore les interrogations concernant l’attribution du prochain Ballon d’Or avec l’entrée en lice de Vinicius Jr dans les prochaines heures. Tous ces éléments devraient ajouter de l’intérêt à ces compétitions.
Ci-dessous, je vous livre mon analyse des principales forces en présence à cette Copa América.
Argentine et Brésil ultra favoris
L’Argentine, actuelle numéro un mondiale et co-détentrice du record de titres de Copa América avec l’Uruguay (15 victoires chacun), aborde cette édition 2024 en tant que tenante du titre mondial et continental, confirmant son statut de puissance dominante sur la scène internationale. Dans la lancée de son triomphe au Qatar, l’Albiceleste est sur une série de 13 victoires sur 14 matchs joués, l’unique défaite lui ayant été infligée par l’Uruguay (2-0). Toutefois, il convient de nuancer certains de ces résultats compte tenu de la qualité moindre de certains adversaires rencontrés ces derniers mois, tels que le Salvador, le Guatemala, l’Indonésie et Curaçao. Le véritable test sera de voir comment cette équipe élèvera son niveau face à des adversaires plus coriaces durant le tournoi.
Dans un groupe où le Canada et un Chili en phase de reconstruction se disputeront probablement la deuxième place, le retour de Lisandro Martinez en défense a été une excellente nouvelle pour l’Argentine. Malgré une saison perturbée par des blessures à Manchester United, avec seulement 14 apparitions, sa présence renforce considérablement la ligne arrière. L’équipe peut toujours s’appuyer sur des vétérans comme Dibu Martinez, Alexis Mac Allister, Christian Romero, Rodrigo De Paul, Nahuel Molina et Marcos Acuna. L’entraîneur Lionel Scaloni a même pu se permettre de ne pas convoquer Paulo Dybala, malgré une saison réussie à la Roma (13 buts, 9 passes décisives), soulignant la profondeur de talent à sa disposition.
Sur le front de l’attaque, Lionel Messi, huit fois Ballon d’Or, continue de jouer un rôle central, sa capacité à influencer le cours des matchs étant intacte. Cette année encore, il est épaulé par de fidèles lieutenants de qualité tels qu’Angel Di Maria et Julian Alvarez, ainsi que Lautaro Martinez en sortie de banc. « El Fideo » Di Maria, qui a annoncé officiellement que cette Copa serait sa dernière compétition internationale, cherchera à conclure une belle carrière internationale par un dernier exploit. La nouvelle génération, avec des talents comme Alejandro Garnacho et Valentin Carboni, montre également un potentiel prometteur.
Avec un tel arsenal de talents et un tableau de compétition favorable, il paraît difficile d’imaginer l’Argentine ne pas atteindre au moins la finale, à moins que l’excès de confiance ou qu’un grain de sable ne vienne perturber leur parcours.
Quant à l’autre géant sud-américain, le Brésil, il aborde cette Copa América 2024 en oscillant à la fois entre fébrilité et forte ambition. Rappelons qu’historiquement, cette sélection a remporté la Copa América à neuf reprises, dominant le tournoi entre 1997 et 2007 avec quatre victoires finales. Toutefois, depuis cette période de gloire, le Brésil n’a soulevé le trophée qu’une seule fois lors des cinq dernières éditions, et ce succès était à domicile. Malgré ces résultats mitigés récents, le Brésil demeure un prétendant sérieux pour le titre. Comment pourrait-il en être autrement au vu de son effectif et de son glorieux passé ?
L’année 2023 a été particulièrement difficile pour la Seleção, marquée par des défaites contre des équipes telles que le Maroc, le Sénégal, l’Uruguay et la Colombie, ce qui a conduit à une remise en question profonde. Avec l’arrivée de Dorival Junior à la tête de l’équipe, un nouveau chapitre a commencé, faisant de cette Copa América son premier grand test. Selon les derniers matchs amicaux, y compris un nul 3-3 contre l’Espagne et une victoire 3-2 contre le Mexique, il est évident que le Brésil n’a pas encore retrouvé la solidité défensive qui était la marque de l’ère Tite de 2016 à 2022.
Quand ils sont au sommet de leur forme, les Brésiliens offrent un spectacle hors du commun. Des talents exceptionnels tels que Vinicius Junior et Rodrygo, appuyés par des joueurs expérimentés comme Alisson, Marquinhos et Bruno Guimarães, forment une armada impressionnante. La possibilité d’une confrontation avec l’Uruguay de Marcelo Bielsa en demi-finale ajoute une dimension supplémentaire à leur parcours potentiel dans le tournoi.
Situé dans la moitié de tableau la plus compétitive, le Brésil sera mis à l’épreuve tout au long de la compétition. Il sera essentiel de voir comment cette formation relativement jeune gère la pression. Peu importe les résultats, cette Copa América représente une opportunité pour le Brésil de laisser derrière lui les déceptions de 2023 et de clarifier ses ambitions en vue de la prochaine Coupe du Monde.
Colombie pour créer la surprise ?
La Colombie se présente comme un autre outsider de poids dans cette Copa América 2024. Les Cafeteros, forts d’une série d’invincibilité de 14 matchs dont 11 victoires et 3 matchs nuls, abordent le tournoi aux États-Unis gonflés à bloc. Parmi leurs récents faits d’armes, on notera des victoires de prestiges contre des équipes de renom telles que l’Allemagne (2-0), l’Espagne (1-0), le Brésil (2-1) et les États-Unis (5-1).
Le sélectionneur argentin Nestor Lorenzo semble avoir trouvé sa formation idéale, avec des joueurs qui ont développé une cohésion forte grâce à de nombreux rassemblements. Le onze de départ, désormais bien connu, compte sur Luis Diaz comme fer de lance. L’ailier gauche de Liverpool, de plus en plus important tant en club qu’en sélection, semble désormais épargné par les blessures et rayonne. Il est soutenu dans l’effort offensif par l’expérimenté James Rodriguez, dont la technique raffinée, la vision et la patte gauche restent un atout majeur pour son équipe.
Bien que David Ospina, Yerry Mina et Davinson Sanchez ne soient plus systématiquement des titulaires, leur expérience reste précieuse. Ils encadrent des nouveaux venus prometteurs tels que Jhon Duran et Richard Rios, ce dernier ayant brillamment fait la transition du futsal au football professionnel.
Avec de tels atouts, il est vrai que la pression peut devenir indéniablement forte, et le véritable défi sera de la gérer efficacement afin qu’elle ne les inhibe pas. D’autant que, la Colombie figure dans un groupe comprenant le Brésil, le Costa Rica et le Paraguay, où il sera crucial de bien démarrer lors des deux premiers matchs afin d’éviter une confrontation décisive lors du troisième, potentiellement contre une « équipe B » du Brésil. Si les planètes sont alignées, il me parait tout à fait réaliste d’imaginer la Colombie atteindre au moins les demi-finales de la compétition.
Répétition générale pour les USA avant la Coupe du Monde à domicile
A l’instar des équipes relativement jeunes, talentueuses mais hélas irrégulières au cours des grandes compétitions, l’équipe des États-Unis me laisse assez souvent un goût d’inachevé. En effet, cette sélection bénéficie d’une génération de joueurs dont une belle brochette est titulaire dans en club, avec à sa tête Christian Pulisic. Le milanais a disputé 36 matchs cette saison, dont 32 comme titulaire avec le Milan AC, accumulant 12 buts et 8 passes décisives en Serie A. Cependant, malgré ses individualités de qualité, elle pèche souvent par manque d’expérience. Cette Copa America pourrait lui permettre de consolider le vécu de ses joueurs afin de franchir un cap, de gagner en maturité, et surtout, d’améliorer sa capacité à créer des occasions et à être efficace face à des adversaires de haut niveau.
Pour Gregg Berhalter, le sélectionneur de l’équipe hôte qui a frôlé le licenciement il y a quelque temps, cette Copa América est une étape cruciale en vue du Mondial 2026, qui aura lieu à domicile. Il est impératif de montrer une progression significative dans les résultats. Avec un groupe largement à leur portée, comprenant la Bolivie, le Panama et l’Uruguay, les USA ont une opportunité idéale pour gagner en confiance avant de rencontrer des adversaires plus redoutables.
Pour moi, il est absolument essentiel pour les USA de passer ce premier tour, non seulement parce que cela marquerait un progrès notable dans le développement de cette équipe ; mais aussi pour accroître l’engouement du public et maintenir une atmosphère positive dans les stades surtout dans un pays ou le « soccer » n’est pas le sport Roi. S’ils avaient le bonheur d’y parvenir, il est à noter que le pays de l’Oncle Sam pourrait affronter le Brésil ou la Colombie, des adversaires qu’ils ont rencontrés récemment lors de matchs amicaux, avec un match nul encourageant contre le Brésil (1-1) et une défaite cinglante (5-1) face à la Colombie.
L’Uruguay, déjà vainqueur 15 fois, à la conquête d’un nouveau titre ?
L’Uruguay a une vraie carte à jouer cette année. Dirigée par Marcelo « El Loco » Bielsa, l’équipe a récemment impressionné en ne subissant que deux défaites en treize matchs, incluant des victoires notables contre le Brésil et l’Argentine (2-0 à chaque fois) ainsi qu’un écrasant 4-0 contre le Mexique. Réputée pour sa défense solide, orchestrée par Matias Olivera, Sebastian Caceres, José Gimenez ou Ronald Araujo lorsqu’ils sont disponibles, la Celeste bénéficie aussi d’un milieu de terrain robuste et endurant, incarné par des joueurs tels que Manuel Ugarte, Rodrigo Bentancur et Fede Valverde, qui allient rugosité et aisance technique.
L’attaque tire sa force de la créativité de joueurs comme le virevoltant Facundo Pellistri, Brian Rodriguez ou Maximiliano Araujo, ainsi que de la finesse technique de Giorgian de Arrascaeta. Plus important encore, l’attaquant de Liverpool, Darwin Nunez, se transforme en sélection, enchaînant les buts avec une efficacité bien supérieure à celle observée en club. Sans oublier le retour de Luis Suarez, meilleur buteur historique de la sélection avec 68 buts, après 11 mois d’absence, ce qui constitue un atout majeur que l’entraîneur argentin compte exploiter pleinement.
Dans un groupe qu’ils devraient dominer, les Uruguayens aborderont les quarts de finale où ils pourraient affronter les sortants d’un groupe incluant le Brésil ou la Colombie. Dotée des moyens de se qualifier au moins pour les demi-finales, la réussite de l’Uruguay dépendra de la capacité des joueurs à conserver leur fraîcheur physique au fur et à mesure que les matchs s’enchaineront. Après une saison exigeante et compte tenu de l’intensité requise par le style de jeu de Bielsa, la gestion de la condition physique sera cruciale, surtout dans un tournoi où les matchs sont rapprochés et où des températures particulièrement hautes sont attendues durant cette période estivale.
Mexique, le pari de l’avenir ?
Le Mexique figure parmi les équipes susceptibles de surprendre lors de la Copa América 2024, mais il semble que ce tournoi arrive un peu trop tôt pour une équipe en transition. Le processus de renouvellement après l’ère de légendes telles que Memo Ochoa et Hirving Lozano nécessite du temps pour se solidifier. Néanmoins, le Mexique dispose de talents prometteurs qui pourraient accélérer ce renouveau.
Edson Alvarez, qui m’a particulièrement impressionné lors des quelques matchs de son club anglais de West Ham que j’ai pu visionner en Premier League, se distingue par une excellente capacité de récupération de balle et une énergie débordante. Santiago Gimenez, que je connais moins, avec ses 23 buts en championnat des Pays-Bas avec Feyenoord, est également un atout majeur. Ces deux joueurs représentent les diamants bruts de l’équipe, prêts à être polis au fil des ans.
Bien que l’équipe mexicaine ne soit pas placée dans un groupe particulièrement difficile (Équateur, Venezuela, Jamaique), elle pourrait se retrouver face à l’Argentine, grande favorite, dès les quarts de finale. Cette éventuelle confrontation pourrait significativement raccourcir le parcours du Mexique dans le tournoi. Toutefois, même dans ce contexte, l’équipe a l’opportunité de montrer sa progression et de défier les attentes, posant ainsi les bases pour les compétitions futures.
Souleymane Camara