Dénomination des rues de Kaloum : Ne trompons pas le Président de la transition (Par Professeur Bangoura)

J’entends parler des noms et des dates que porteraient certains Boulevards et Avenues de Kaloum, le centre ville de Conakry. J’ai même vu un panneau conçu à cet effet, portant un nom que je respecte. 

Pour dire clair, il semblerait que des rues de Kaloum porteraient les noms de la syndicaliste Rabiatou Serah Diallo, de l’ancienne Ministre Saran Daraba Camara et du 5 septembre (date coup d’état que j’ai applaudi).

J’ai un grand respect et une estime pour ces braves dames.

Mais, attention.

Il s’agit de la dénomination des rues de la capitale guinéenne.

L’histoire de Conakry n’a pas commencé en janvier 2007, année de révélation de Rabiatou Serah Diallo à l’opinion nationale.

L’histoire de Kaloum n’a pas commencé dans les années 90 marquant la révélation de la Ministre Saran Daraba à l’opinion nationale.

À supposer que les initiateurs veuillent honorer les femmes qui ont marqué notre histoire.

Je me demanderais bien si les Dames Raby et Saran Daraba ont mieux fait que pour Conakry et pour la Guinée que :

1. Loffo Camara, Compagnon de l’indépendance et Première femme Ministre dans le 1er Gouvernement de la Guinée indépendante.

Elle est décédée, exécutée après l’agression de 1970.

2. Jeanne-Martin Cissé, la seule Africaine ayant présidé le Conseil de sécurité de l’ONU.

La seule qui a présidé une importante commission des nations unies ayant booster ce qui restait de la décolonisation de l’Afrique et qui a assumé les fonctions de Ministre.

3. N’Gamet Touré, la dynamique Présidente du Comité régional des femmes de Conakry 1, celle qui (par sa popularité) a su galvaniser et maintenir la ferveur révolutionnaire dans Kaloum durant les années 70.

Je pense que les noms de ces Grandes Dames méritent mieux que Rabiatou Sérah et Saran Daraba.

Que l’on donne à la Bourse du travail, le nom de Rabiatou Serah, je dirai que c’est mérité.

Que l’on donne le nom de Saran Daraba à un centre de santé ou une maternité, je dirais que c’est mérité.

L’histoire de Kaloum, ce n’est ni le présent ni le passé-proche.

Il y a des noms qui ne semblent pas effleuré l’esprit des concepteurs du projet.

Je trouverais inconcevable que des rues de Conakry ne portent pas quelques uns des noms suivants :

1. Almamy Kalla.

Le dernier Roi de Kaporo dont le royaume couvrait l’actuel commune de Kaloum.

Il est le dernier Chef et Patriache Baga dont l’hospitalité et la générosité ont facilité l’installation des communautés diverses dans le Grand Conakry.

2. Amara Soumah.

La première et plus forte personnalité des autochtones émancipés originaires de Conakry qui était au nombre des grands leaders du PDG-RDA dont il a assumé momentanément la présidence du Parti qui a conduit le pays à l’indépendance.

Il est mort en exil.

3. Hervé Sylla de Belle-vue.

Figure emblématique de la haute société dont la générosité a servi les Guinéens de tous les horizons à Conakry et même en France durant les années 30, 40 à 50.

4. Saifoulaye Diallo.

Le safe, l’alter-ego de Sékou Touré.

Celui qui a proclamé l’indépendance de la Guinée en sa qualité de Président de l’Assemblée constituante.

Le N°2 du PDG-RDA.

Malgré les ennuis que l’administration coloniale lui a fait subir, il est resté inflexible dans le combat pour notre indépendance.

Sa photo est longtemps restée à côté de celle de Sékou Touré jusqu’au début des années 60.

5. Lansana Béavogui.

Le plus intègre, le fidèle serviteur de la nation.

Celui qui a servi la Guinée pendant 27 ans dans le gouvernement, sans jamais se servir des ressources de l’Etat.

Il a habité Kaloum 30 ans durant, les portes de son habitation ouverte à la jeunesse.

6. Mohamed Kassory Bangoura.

Fidèle ami de Sekou Touré, l’homme qui a tenu Conakry 1 (actuel Kaloum) dans une ferveur militante comme un aimable père de famille.

7. Yacine Diallo.

Celui qui aurait pu être être le Premier Président de la Guinée si la mort n’avait pas écourté sa vie en 1954.

Il a été le Premier Homme politique que les Guinéens ont élu à l’assemblée nationale française.

Il était d’une popularité certaine auprès de toutes les communautés de Conakry.

8. Kéïta Fodéba.

Un Ministre dont la rigueur et le sens de l’organisation ont renforcé la sécurité et le cadre de vie à Conakry.

9. Damantang Camara.

Le très sobre, compagnon de l’indépendance, Ministre et inamovible Président de l’Assemblée nationale.

10. Le Gouverneur colonial Paul Cousturier qui aurait initié le lotissement de Kaloum et le dressage de sa corniche sud.

Son action, poursuivie par ses successeurs, a fait de Conakry la PERLE DE L’AFRIQUE NOIRE.

Ces illustres personnalités et bien d’autres méritent d’être immortalisées, si nous voulons agir dans l’esprit de la refondation, de la reconnaissance, du rassemblement et de la concorde nationale.

Oui aux Boulevards portant les noms de Saifoulaye Diallo, de Lansana Béavogui, de Mafory Bangoura, de Loffo Camara, d’Almamy Kalla.

Oui aux Avenues portant les noms de Kassory Bangoura, de Yacine Diallo, de Damantang Camara, de Dianwadou Barry, d’Amara Soumah, de Fodéba Kéïta, de Jeanne Martin Cissé, du Général Noumandjan Kéïta…

En tous les cas, pour ce genre décision, la logique voudrait qu’une liste de personnalités soit soumise aux élus locaux et aux notabilités des collectivités, avec l’assistance des vrais historiens pour un tri en fonction de la pertinence des choix.

Je trouve anormal que ce travail soit confié à des cadres qui réfléchissent et décident à la place des élus, des autochtones et des historiens.

Certains de ces cadres ne semblent connaître Conakry qu’à la faveur du baccalauréat décroché.

La réussite de la Transition réside dans le fait que les Guinéens se reconnaissent dans chaque acte posé par le CNRD.

Concernant le nom du 5 septembre qui serait donné à une rue, je trouve l’initiative prématurée, maladroite et contre-productive.

Si le 5 septembre a la légitimité populaire à laquelle j’ai personnellement souscrit, il n’a pas la légalité du 28 septembre, du 2 octobre et du 12 décembre.

Oui à un Boulevard portant le nom du 28 septembre, du 2 octobre ou du 12 décembre.

Acceptons de faire violence sur nous-mêmes, en posant des actes pertinents qui résistent au temps.

Cessons de tromper nos dirigeants.

Ayons le courage de les aider à nous gouverner par des idées novatrices et productives qui nous rassemblent, qui nous ressemblent et qui résistent au temps.

Le Président y gagnera en mérite.

La Guinée y gagnera en honneur.

Ensemble, réfléchissons pour faire mieux.

C’est ce que je crois.

Merci.

Professeur Bangoura

Author: La Rédaction

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