Par Souleymane Camara
Les élections européennes de ce 9 juin viennent d’apporter des résultats significatifs pour le paysage politique en France. Le scrutin, dont le taux de participation a été établi pour l’instant à 51,4%, a engendré de nombreuses réactions, même si la plupart des instituts de sondage avaient prévu une telle secousse. Le Rassemblement National, avec 31,5 % des suffrages exprimés, a remporté une nette victoire, devançant largement la majorité présidentielle Ensemble (Renaissance, Modem, Horizons, UDI) qui a obtenu 14,5 %, et le Parti Socialiste – Place Publique, arrivé troisième avec 14 % des voix. Ce résultat, bien qu’attendu, a suscité une grande émotion car c’est la première fois qu’une majorité au pouvoir est devancée par l’extrême droite dans une élection au suffrage universel direct en France.
Face à cette débâcle inédite, Emmanuel Macron a, dans une allocution extrêmement rare au soir d’une élection européenne, souligné que « la montée des nationalismes est un risque pour le pays et l’Europe » et pris la décision surprenante mais courageuse de dissoudre l’Assemblée nationale tout en convoquant de nouvelles élections législatives dans 21 jours. Les partis traditionnels sont maintenant confrontés à un choix crucial : se réinventer ou risquer de céder plus de terrain à l’extrême droite. Cette situation représente une opportunité et un défi, particulièrement pour les partis de gauche, de montrer un sursaut face à la montée continue de l’extrême droite en France, en Europe et dans le monde.
En convoquant les archives, l’on découvre que depuis l’avènement de la 5e république en 1958, cette décision d’Emmanuel Macron rappelle les précédentes dissolutions dont deux sous De Gaulle (en 1962 et 1968), deux sous Mitterrand (en 1981 et 1988) et une sous Chirac (en 1997). Tandis que les premières ont souvent renforcé la majorité au pouvoir, la dissolution par Jacques Chirac a conduit à la victoire de la gauche plurielle (concept nouveau à l’époque), marquant la plus longue (5 ans) cohabitation politique de l’histoire du pays. Sans doute l’esprit dont devrait s’inspirer les ténors de la gauche actuelle.
Pour moi, cette dissolution pourrait soit favoriser l’ascension finale de l’extrême droite, soit offrir une nouvelle chance à la gauche de se réorganiser. Parmi les options possibles, il ne faut pas totalement écarter une alliance potentielle entre Les Républicains et Ensemble, bien que le président des Républicains, Éric Ciotti, ait réaffirmé dans la soirée son refus de s’allier avec la majorité présidentielle, campant son positionnement dans l’opposition.
La gauche a une carte à jouer : celle du sursaut et de l’union.
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, ainsi qu’Olivier Faure, Fabien Roussel et les autres responsables politique de gauche, ont un rôle central à jouer dans les jours à venir. Tout d’abord, il me paraît plus qu’impératif de renouer un dialogue qui a été abruptement rompu ces derniers mois. Puis, il s’agira de surmonter les divisions politiques et de construire une coalition plus solide que la défunte NUPES. Pour Mélenchon, dont la coalition avait rassemblé 31 % des voix au second tour de l’élection législative de 2022 et permis l’élection de 131 députés (sur 577 au total), cela nécessitera de lâcher du lest et d’abandonner sa volonté de domination hégémonique sur ses anciens alliés. Les résultats des trois derniers scrutins (européennes, législatives, présidentielle) devront servir de juges de paix pour établir une liste commune, en privilégiant les candidats les mieux placés dans chaque circonscription sur l’ensemble du territoire national.
Bien que recréer une dynamique en trois semaines soit un véritable défi, cela reste possible avec une action concertée, rapide et déterminée. Il est évident que pour la gauche, les rivalités, les rancœurs, les querelles de personnes et les dissensions de ces derniers mois doivent absolument être mises de côté. Il en va de sa propre survie, mais aussi de la survie de cette France qui se reconnaît dans les valeurs qu’elle a historiquement toujours défendues. L’ensemble des partis modérés, surtout ceux de la gauche, ont donc sur leurs épaules une partie de la responsabilité de contrer la montée de l’extrême droite en s’attelant à comprendre le message transmis par les électeurs et à le traduire en propositions simples et concrètes, basées sur leurs valeurs.
Pour ce faire, les leaders de l’intergroupe ont à leur disposition non pas un, mais plusieurs juges de paix pour l’élaboration des listes communes afin de favoriser les candidats les mieux placés. Il s’agira de s’appuyer à la fois sur les résultats des dernières élections présidentielle, législatives et européennes. L’issue de ces élections du 30 juin et du 7 juillet pourrait bien être le point de départ d’une nouvelle ère politique. En pleine année olympique, et à quelques encablures du lancement des premières épreuves, on peut donc convenir qu’il va y avoir du sport ces prochains jours !
Souleymane Camara