L’Afrique à l’aube de l’IA : révolte ou résignation ?

Par: Alpha Macky Ly

L’intelligence artificielle bouleverse nos économies et redéfinit nos modes de vie. Pourtant, alors que l’IA promet une révolution dans l’agriculture, l’éducation, la santé et la gouvernance, l’Afrique se retrouve souvent en marge des décisions stratégiques qui façonnent cette technologie. Alors que le Sommet Mondial de l’IA se tient les 10 et 11 février à Paris et convie un certain nombre d’officiels africains, il est temps de poser une question essentielle : l’Afrique est-elle condamnée à être un simple réservoir de données et de talents, ou peut-elle se réapproprier son avenir numérique ?

Selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), 65 % des entreprises d’Afrique subsaharienne ayant intégré l’IA dans leur système ont amélioré leur situation financière. Une statistique encourageante qui cache toutefois une réalité préoccupante : la majorité des solutions déployées sur notre continent sont conçues et contrôlées à l’étranger ou par des multinationales étrangères. Cette externalisation des technologies génère des biais algorithmiques et une inadéquation des outils aux réalités africaines. Par exemple, des systèmes de reconnaissance faciale développés sur desbases dedonnées occidentales, peinent à identifier correctement les visages africains, illustrant ainsi comment l’universalité de l’IA peut renforcer des inégalités préexistantes tant sur plan économique que sur le plan racial.

Au-delà des biais techniques, l’Afrique fait également face à un déficit structurel majeur. Sans centres de calcul performants (data center) et en l’absence d’une souveraineté sur nos données, nos entreprises se voient contraintes de dépendre d’infrastructures étrangères. Cette situation limite notre capacité à innover et à développer des solutions adaptées à nos enjeux locaux. La formation en intelligence économique et l’expérience acquise au sein de groupes internationaux, comme Total Energy ou BNP Paribas, m’ont appris que la maîtrise de la donnée et des technologies de pointe est indispensable pour transformer un marché en véritable levier de développement.

Vers une IA “Made in Africa”

Il est impératif de renverser cette tendance. L’Afrique dispose d’un potentiel considérable, tant en termes de talents que d’innovations locales. Des initiatives remarquables émergent déjà : au Kenya, l’IA optimise la production agricole ; au Nigeria, des modèles prédictifs redéfinissent le secteur énergétique ; et des startups comme Lengo AI au Sénégal prouvent que l’innovation africaine est une force en devenir.

Cependant, ces réussites restent isolées sans une vision continentale cohérente. L’Union africaine a amorcé une stratégie pour l’IA, mais sa mise en œuvre demeure trop lente et disparate. Pour ce faire, nous devons massivement investir dans des infrastructures numériques, encourager la formation spécialisée et établir des cadres éthiques adaptés à notre contexte. Il ne suffit pas d’importer des solutions toutes faites : il faut concevoir une IA “made in Africa” qui réponde à nos défis socio-économiques et renforce notre souveraineté technologique.

L’heure est donc à l’action. En tant qu’entrepreneur engagé et acteur de plusieurs secteurs – de la mine au développement en passant par la technologie – je suis convaincu que l’Afrique ne peut se contenter d’observer l’évolution de l’IA depuis la périphérie. Le Sommet de Paris

offre une tribune pour débattre de ces enjeux, mais c’est sur le terrain, par des choix stratégiques audacieux et des investissements concrets, que notre continent pourra véritablement s’imposer dans la révolution numérique. Nous avons tous un rôle à jouer : décideurs politiques, entrepreneurs, chercheurs et citoyens. Refusons d’être de simples consommateurs passifs d’une technologie conçue ailleurs. Osons réinventer l’IA à notre image, pour que l’avenir numérique de l’Afrique soit synonyme d’innovation, d’inclusion et de souveraineté.

Author: La Rédaction

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