Le procès des événements du 28 septembre 2009 se poursuit ce lundi devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. C’est la déposition des victimes qui continue. La première victime appelée ce matin s’appelle Mamadou Alimou Sall.
Il dit avoir porté plainte pour avoir été privé de sa liberté et séquestré au camp Koundara, actuel Camp Makambo, dirigé à l’époque par le commandant Beugré. Le plaignant a commencé par préciser qu’il n’a rien subi au stade pour avoir quitté aussitôt que les violences ont démarré. Toutefois, a-t-il expliqué, les heures qui ont suivi le massacre au stade, il a constaté la disparition d’un de ses amis du nom de Korka Bah.
Il a appelé le contact de ce dernier en vue de prendre de ses nouvelles. A sa grande surprise, a-t-il dit, c’est un militaire qui a décroché l’appel à partir du camp Koundara pour lui dire que le propriétaire du téléphone est dans cette caserne. Parti donc à la recherche de Korka Bah avec son ami Bobo Bah au camp Koundara, ils ont été retenus contre leur gré. Ils y ont passé presqu’une semaine, a rappelé la victime.
Durant cette semaine, a révélé Mamadou Lamine Sall, lui et son ami ont été torturés. Chacun recevait chaque matin 50 coups à la demande de Beugré, ancien commandant du camp Koundara et un autre militaire du nom de Tanènè. Ils ne mangeaient qu’une seule fois par jour, à chaque 14 heures, mais pas à leur faim.
Le plaignant a aussi mis à l’index le sergent Paul qui, selon lui, est dans le box des accusés. Ce dernier les criait dessus, les qualifiait de rebelles et les menaçait de mort. Au bout d’une semaine, ils ont recouvré leur liberté grâce à un officier dont il dit ignorer l’identité.
Il se souvient avoir été transporté par des militaires dans leur véhicule du camp Koundara jusqu’au bord de la mer à Taouyah. Ceux qui les ont transportés leur ont donné chacun 5000 gnf tout en leur demandant de se laver dans la mer avant de rentrer à la maison.
Il a conclu que celui derrière lequel lui et son ami Bobo ont vécu cette mésaventure reste jusqu’ici, introuvable.
Après Mamaou Lamine Sall, c’est autour de Mamadou Chérif Barry de comparaître. C’est un couturier né 1997 à Pita. Il a expliqué s’être rendu au stade dans la matinée du 28 septembre 2009, pour assister au meeting des Forces vives de la nation. Suite à l’irruption des militaires, il a reçu une balle au pied alors qu’il se battait pour se sauver, a révélé le plaignant.
Il est d’abord secouru par trois jeunes jusqu’au portail du stade vers la commune, puis par la croix rouge. Mamadou Chérif est amené à la gendarmerie chez Baldé Bodjê, ensuite conduit à l’hôpital national Donka avec d’autres manifestants. Il dit avoir trouvé sur une bâche dans cet établissement hospitalier, de nombreuses autres victimes.
Une d’entre celles-ci est morte devant de lui, a témoigné le jeune. Quelque heures après son arrivée à Donka dans la journée du 28 septembre, les médecins l’informent du pillage de la pharmacie. Il rentre à la maison pour dit-il se mettre à l’abri d’un éventuel enlèvement. Il est revenu à l’hôpital par la suite pour suivre le traitement.
A cette occasion, il y a passé trois mois et deux semaines à Donka à la charge du gouvernement. Mamadou Chérif n’a parlé d’aucun accusé, mais il tient le capitaine Moussa Dadis Camara pour responsable de sa mésaventure et demande justice.
A sa suite, Ibrahima Diallo est la troisième victime qui a comparu ce lundi devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. C’est un couturier né en 1965 à Mamou. Il s’est retrouvé au stade, attiré par l’engouement suscité par la ruée des manifestants vers le stade. Il se plaint de sévices corporels pour avoir été fait tomber par des agents en civil qui arboraient des étoffes rouges.
Toutefois, il n’a pas pu dire au tribunal si c’était des policiers ou des gendarmes. Le quinquagénaire dit avoir été victime de ces sévices corporels alors qu’il se débattait pour sortir du stade suite à l’irruption des militaires. Il a révélé qu’il a vu au moins une quarantaine de corps dans ce complexe sportif. Le seul accusé dont Ibrahima Diallo a parlé, est le colonel Moussa Tiegboro Camara.
Il accuse ce dernier de menaces dans la matinée du 28 septembre lorsqu’il ralliait le stade en compagnie de la foule. Avant l’étape du stade, il dit avoir vu des bus de Dadis au niveau de Hamdallaye Pharmacie qui transportaient des gens et à bord desquels, il y avait des machettes et des couteaux. Il a aussi rappelé que les policiers ont été les premiers à lancer les gaz lacrymogènes dans l’enceinte du stade.
Au terme de son préliminaire, il a coulé les larmes. Selon lui, il traîne les séquelles de ses blessures jusqu’à aujourd’hui. Il ajoute qu’il se trouve désormais dans l’incapacité de subvenir aux besoins de ses 14 enfants et trois épouses.