Procès des événements du 28 septembre : poursuite des débats ce mardi

Depuis la matinée de ce mardi17 octobre, c’est l’ex-correspondant de la BBC en Guinée qui fait sa déposition. Amadou Diallo, né en 1958 à Labé, dit s’être constitué partie civile dans ce dossier pour avoir été violenté et traumatisé dans l’exercice de son métier, en marge du massacre du 28 septembre 2009. 

Il a commencé par rappeler qu’il s’est retrouvé au stade du 28 septembre en 2009 dans le cadre de la couverture du meeting des forces vives de la nation. À Dixinn, il a trouvé un petit groupe de personnes alors que la manifestation proprement dite n’avait pas encore commencé. Le colonel Moussa Tiegboro Camara arrive, il est acclamé par ce petit groupe. L’officier a tenté de dissuader ces quelques manifestants qui étaient en face de lui. Puisque son message n’est pas tombé dans de bonnes oreilles, il a fait un geste de la tête avant de se retirer.

Aussitôt, les gendarmes ont dispersé ces premiers manifestants sur fond de violences. Des journalistes comme Mouctar Bah de RFI sont brutalisés et leurs matériels endommagés, mais Amadou Diallo parvient à se mettre à l’abri sans problème. Il a alors tenté de rallier le domicile de Jean Marie Doré à Donka. A mi-chemin, il trouve les leaders bloqués par un cordon de police. Le colonel Moussa Tiegboro est également arrivé à cet endroit à pied avec une équipe.

Des discussions s’engagent entre lui et les leaders, il perd son sang froid et profère des injures à l’encontre des jeunes manifestants qui lui répondaient dans la foule, a confirmé Amadou Diallo. Suite à la pression des manifestants qui pensaient que l’officier était sur le point d’arrêter les leaders, le verrou a sauté. C’est ainsi que les manifestants ont continué au stade.

Notre confrère a rappelé que lui aussi a été escorté par une foule jusqu’au niveau de la pelouse. Certains manifestants priaient, d’autres dansaient, a-t-il décrit. C’est sur fond d’ambiance que les leaders ont tenté de tenir des discours. Aux environs de 11h 40, Amadou Diallo dit être sorti de ce brouhaha pour pouvoir répondre à l’appel de la BBC au compte de l’édition de midi.

Il est donc resté sous un cocotier quand il a entendu les premiers tirs de balles et de gaz lacrymogène. Il était 12h20, s’est-il souvenu. La débandade a donc commencé quand les éléments de la garde présidentielle ont fait irruption au stade, a précisé le journaliste.

A partir de là où il était arrêté, il dit avoir appelé son ami Mouctar Bah de RFI qui courait. “Il est venu me trouver. Je lui dit, nous on ne court pas. Nous restons là. Nous sommes des journalistes. Nous ne sommes pas des manifestants. Lorsque les militaires vont venir, le pir qui peut nous arriver, c’est l’arrestation“, l’avait-il soulagé.

Entre-temps, un jeune soldat arrive avec son arme. “Nous lui disons que nous sommes des journalistes, correspondants de BBC et de RFI. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils se déchaînent sur nous et qu’il dise et qu’il crie. C’est vous qui parlez mal de la Guinée à l’étranger. Il a braqué alternativement son arme sur moi et sur Mouctar. Il nous a agenouillé au même moment”, a relaté Amadou Diallo.

À ce niveau, a-t-il poursuivi, lui et son compagnon sont sauvés par un officier. “Il est arrivé au bon moment parce que c’était très chaud pour nous. Mouctar Bah et moi, on suait à grosse goûte. On était à terre. Lorsque cet officier est arrivé, il a dit au soldat, laisse-les. Je les connais. Ce sont des journalistes. On était ensemble à Labé”, a-t-il rapporté.

Le même officier a commis un policier habillé en tenue de la police routière de les faire sortir du stade. A l’entrée principale, le policier accompagnateur soulève ses deux bras en l’air en disant que sa mission s’arrêtait là. Il retourne au stade, Amadou Diallo et son ami parviennent à traverser l’esplanade pour aller vers le quartier Landreah, grâce à l’appui d’une dame militaire.

Après avoir traversé la route, ils sont tombés sur un groupe de gendarmes habillés en bodis noirs. Un élément lui prend son argent dont il ne se souvient plus du montant exact. Un autre l’assomme de coups, à travers un poignard, sur le bras droit. Ce bras est resté tuméfié et inactif durant quatre mois, a-t-il dit.

Quand le même gendarme s’est emparé de son sac, un certain Khaty qui, selon notre confrère, était du protocole d’Etat de Dadis est arrivé. Grâce à l’intervention de ce dernier, Amadou est relaxé et son téléphone retourné.

En compagnie de son ami, il trouve refuge au domicile de Me Amara Bangoura par le canal d’un de ses confrères du nom de Abdourahamane Diallo, anciennement correspondant de la West Africa Radio. A partir de là, une bonne équipe de reporters ont produit et acheminé des éléments pour leurs médias respectifs, a affirmé le journaliste. Ils ont rejoint leurs domiciles entre 18h et 19h.

Selon Amadou Diallo, quand son reportage sur les douloureux événements est passé le lendemain du massacre, la garde s’est mise à ses trousses. Il dit avoir reçu au moins trois appels significatifs. Le premier, d’un militaire ami à son garçon, le deuxième, d’un colonel et le troisième d’un ancien ministre de Conté. Tous l’ont conseillé de quitter son domicile à cause des menaces.

Suite à leur insistance, il a décidé de quitter son domicile. Il dit avoir passé un temps chez Alhassane Sylla, correspondant du service anglais de la BBC en Guinée, et dans un hôtel à Taouyah sous une fausse identité. Amadou Diallo a indiqué qu’il est resté dans la clandestinité à partir de cette date jusqu’au moment où la BBC a décidé de l’exfiltrer avec toute sa famille vers Dakar.

Avant de terminer sa déposition, l’ex-correspondant de la BBC a témoigné avoir vu des corps allongés et des personnes blessées à terre au stade. Et en tant qu’homme de médias, il a entendu parlé des charniers qui existeraient derrière l’aéroport international AST de Conakry. Amadou a insisté qu’il ne demande que justice.

Author: La Rédaction

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