Procès du massacre du 28 septembre 2009 : le ministère public démonte les arguments des avocats de la défense et maintient sa demande de requalification des faits

Dans l’après-midi ce mardi 19 mars 2024, les avocats de la défense ont fini de déployer leurs moyens de réplique contre la demande de requalification des faits en crimes contre l’humanité présentée par le ministère public il y a plus de deux semaines. Comme une réponse du berger à la bergère, le tribunal a redonné la parole aux représentants dudit ministère public pour répliquer contre les arguments développés par les conseils des accusés.

Depuis deux jours, tous les avocats de la défense s’accordent à dire que le parquet n’était pas fondé à solliciter  la requalification des faits en crime contre l’humanité et responsabilité supérieur hiérarchique en mettant en avant le principe de l’autorité de la chose jugée, parlant de l’ordonnance de non-lieu partielle prise par la Cour Suprême et qui saisit le tribunal.

Le procureur de la République n’entend pas de cette oreille. “Je voudrais faire une distinction pour rappeler les différentes phases du procès pénal. Il y a la phase de l’instruction préparatoire et celle de l’instruction définitive. L’arrêt dont on parle a été prononcé en phase d’instruction préparatoire. La question qu’il faille se poser, est-ce que cet arrêt peut vous empêcher,  vous juge du fond, de requalifier au cas où la question serait posée ? La réponse est non. Vôtre tribunal n’est pas saisi de qualification. Rien, sur le plan légal, ne vous empêche de restituer aux faits leurs véritables qualifications“,  a entamé Algassimou Diallo. Le magistrat a ajouté que la requalification intervient à deux niveaux. Elle peut se faire au cours des débats ou lors des réquisitions définitives.

Un de ses substitut a abordé l’aspect lié au statut de Rome. Abdoulaye Babadi Camara trouve les moyens de réplique de la défense infondés quand elle affirme que le statut de Rome n’est pas applicable à l’arsenal répressif de notre pays. “En droit public international, il est dit clairement qu’il y a une suprématie de droit international sur le droit interne. Quand un État parti dépose les instruments de ratification,  immédiatement, cet accord ou traité est applicable à l’État parti. La ratification du statut de Rome intervenue le 14 juillet 2003 est antérieure aux  infractions commises en 2009. Par ricochet, ce statut de Rome s’applique à la Guinée, partie à la convention de Rome”, a-t-il précisé.

La défense a également dit que le tribunal de Dixinn est incompétent à connaître cette affaire si jamais les faits sont requalifiés en crimes contre l’humanité. “Monsieur le président, pourtant l’article 378 du code de procédure pénal vous confère ce pouvoir dès lors que les faits poursuivis sont des faits criminels. Ce moyen invoqué doit tomber“, a ajouté Abdoulaye Babadi Camara.

Le second substitut est revenu sur les raisons qui les ont poussé à demander la requalification des faits en crimes contre l’humanité. “Nous n’avons rien inventé. Tout ce que nous avons mis dans nos réquisitions vient des débats. Nous sommes parties des déclarations faites par les accusés ici dans cette salle. Celles faites par les témoins et celles des parties civiles. Bien avant, des pièces versées au dossier de la procédure attestent qu’il y a effectivement matière à requalification” a indiqué El hadj Sidiki Camara.

Selon ce magistrat, il y a deux éléments essentiels qui expliquent l’infraction de crimes contre l’humanité. Un élément objectif et un élément intentionnel. Pour lui, l’élément objectif, c’est l’attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile le 28 septembre 2009 alors que celle-ci était allée au stade pour simplement exprimer son opinion par rapport à la situation politique du pays. Cette population civile a été massacrée par les hommes de la garde présidentielle, la police, la gendarmerie et des miliciens. Dans cette salle, vous avez vu des femmes qui ont été violées. Ces faits n’ont d’autre qualification pour tout juriste professionnel  que des faits de crimes contre l’humanité, a-t-il insisté.

Le deuxième élément est celui intentionnel, poursuit-il. ” La loi dit qu’il suffit que celui-là qui est en train de perpétrer des massacrés a connaissance qu’effectivement qu’il est en train de massacrer la population civile. Ce qui était le cas”.

Pour davantage motiver sa position, Sidiki Camara a aussi parlé de la responsabilité de commandement. “Il y a ce qu’on appelle la relation de supériorité hiérarchique dès qu’il y a un lien entre le chef hiérarchique ou le chef militaire avec le subordonné qui  commet l’infraction. Deuxième élément, il faut que l’infraction soit commise par le subordonné. Ces deux conditions préalables suffisent pour qu’on parle de responsabilité de commandement. Ceux qui sont dans le box des accusés ne sont-ils pas des chefs militaires à ceux qui sont allés perpétrer le massacre au stade ?“, s’est il interrogé.

Author: La Rédaction

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