Le mardi 13 août, la grande majorité des médias sénégalais ont suivi l’appel des patrons de presse à observer une “journée sans presse” en signe de protestation contre les graves difficultés économiques qui menacent l’existence même des entreprises de presse dans le pays. Cette initiative vise à attirer l’attention sur les nouvelles mesures fiscales imposées par les autorités, qui, selon les professionnels du secteur, mettent en péril leur survie.
Tout au long de la journée, les programmes des radios et télévisions ont été suspendus, de nombreux studios sont restés fermés, et les kiosques à journaux étaient vides, témoignant du large suivi du mot d’ordre. Les responsables des médias dénoncent ce qu’ils considèrent comme l’une des périodes les plus sombres pour leur secteur, pointant du doigt des pratiques telles que le blocage des comptes bancaires pour impayés fiscaux, la saisie de matériel de production, et la rupture unilatérale de contrats publicitaires, ainsi que le gel de l’aide à la presse.
Cette action a eu un impact majeur, avec la quasi-totalité des journaux absents des kiosques à l’exception du quotidien pro-gouvernemental *Le Soleil* et de quelques médias privés qui n’ont pas suivi le mouvement. Les principales radios privées, telles que Sud FM, RFM, et iRadio, se sont contentées de diffuser de la musique, tandis que les sites d’information se sont abstenus de publier tout contenu lié à l’actualité.
Les organisations de presse affirment que la situation financière est devenue critique, exacerbée par une fiscalité étouffante. Depuis la crise du Covid-19, qui a fait chuter de 70 % le chiffre d’affaires des entreprises de presse, la situation ne cesse de se détériorer. Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (CDEPS), a souligné l’ampleur des difficultés, rappelant que plusieurs médias ont déjà dû cesser leur activité.
Le gouvernement, de son côté, justifie ces mesures fiscales par la nécessité pour tous les secteurs, y compris les médias, de s’acquitter de leurs obligations fiscales. Le Premier ministre Ousmane Sonko a récemment critiqué certains patrons de presse, les accusant de “détournement de fonds publics” en ne versant pas les cotisations sociales dues.
Cependant, la pression fiscale accrue depuis l’arrivée des nouvelles autorités en avril 2024 est perçue par les professionnels des médias comme une tentative de contrôle et de domestication de l’information. Malgré plusieurs tentatives de dialogue avec le gouvernement, les responsables des médias déplorent l’absence de réponse et l’inaction face à la crise qui menace leur secteur.
Certains médias, comme le Groupe Wal Fadjri, ont choisi de ne pas participer à cette journée de grève, estimant qu’une telle action devrait être l’ultime recours après avoir épuisé toutes les autres options de négociation. Ils appellent au contraire à un dialogue avec les autorités pour trouver des solutions durables aux problèmes structurels du secteur.
Cette situation critique a été soulignée dans un rapport de Reporters sans frontières (RSF), qui a exhorté les nouvelles autorités à restaurer la liberté de la presse au Sénégal, un pays autrefois considéré comme un bastion de la liberté d’expression en Afrique. RSF rappelle que le Sénégal a reculé de 45 places dans le classement mondial de la liberté de la presse en seulement trois ans, passant de la 49e à la 94e place.