Utilisation des fonds publics en Guinée : comment renforcer les mécanismes de contrôle et d’audit (Lanciné Doumbouya)

La gestion des fonds publics en Guinée est un enjeu majeur pour le développement économique et social du pays. Dans un contexte marqué par des défis persistants tels que la corruption et le détournement de fonds, il est essentiel de renforcer les mécanismes de contrôle et d’audit pour garantir une gestion financière transparente et efficace. Cet article examine les dispositifs actuels de contrôle en Guinée et propose des pistes d’amélioration pour une meilleure gestion des ressources publiques.

I. ÉTAT DES LIEUX DES MECANISMES DE CONTROLE ET D’AUDIT

1. Les organes de contrôle et leur mandat

En Guinée, plusieurs institutions sont chargées de superviser l’utilisation des fonds publics. La Cour des Comptes est une institution indépendante dont la mission est de vérifier la conformité des dépenses publiques, de contrôler la gestion des comptes des institutions étatiques, et de sanctionner les irrégularités. L’Inspection Générale d’État (IGE), quant à elle, mène des inspections au sein des ministères et des entreprises publiques, jouant un rôle crucial dans la détection des fraudes et des abus. Le Parlement, à travers sa Commission des Finances, examine et approuve le budget de l’État, surveillant ainsi la répartition et l’utilisation des fonds publics. Enfin, des audits internes et externes sont réalisés par des auditeurs internes dans chaque ministère ou par des firmes indépendantes pour évaluer la gestion des fonds.

Ces institutions jouent un rôle central dans le maintien de l’intégrité des finances publiques. Cependant, elles font face à des défis qui limitent leur efficacité.

2. Les défis actuels des mécanismes de contrôle

Les mécanismes de contrôle en Guinée sont confrontés à plusieurs défis. Premièrement, les capacités institutionnelles sont limitées. Les organes de contrôle souffrent souvent d’un manque de ressources humaines et financières, ce qui limite leur capacité à mener des audits exhaustifs et réguliers. Deuxièmement, le manque d’indépendance des institutions de contrôle pose un problème. Bien que certaines de ces institutions soient censées être indépendantes, des pressions politiques et des interférences nuisent parfois à leur impartialité et à leur efficacité.

En outre, la faible exécution des recommandations formulées dans les rapports d’audit est un autre défi majeur. Les rapports d’audit et les recommandations formulées par les organes de contrôle sont souvent ignorés ou partiellement mis en œuvre, ce qui réduit leur impact. Enfin, la corruption systémique, même au sein des institutions de contrôle, constitue un obstacle majeur. Elle compromet la qualité des audits et la crédibilité des organes de surveillance.

II. PROPOSITIONS POUR RENFORCER LES MECANISMES DE CONTROLE ET D’AUDIT

1. Renforcement des capacités institutionnelles

Pour que les mécanismes de contrôle soient efficaces, il est indispensable de renforcer les capacités des institutions concernées. Cela peut se faire par la mise en place de formations continues pour les auditeurs et inspecteurs, afin de les tenir à jour sur les meilleures pratiques en matière d’audit et de contrôle. Il est également crucial d’augmenter les ressources financières allouées à ces institutions, ce qui leur permettrait de recruter du personnel qualifié et d’acquérir les outils nécessaires pour mener des audits complets et approfondis. En parallèle, il serait pertinent d’investir dans des technologies avancées pour automatiser certaines tâches d’audit, faciliter la collecte de données, et permettre une analyse plus rapide et plus précise des finances publiques.

2. Garantir l’indépendance des organes de contrôle

L’indépendance des organes de contrôle est essentielle pour qu’ils puissent exercer leur mission sans interférence. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des réformes juridiques garantissant l’indépendance des institutions de contrôle, avec des mesures pour protéger les auditeurs contre les pressions politiques et les représailles. En outre, il serait judicieux d’instituer un processus transparent et basé sur le mérite pour la nomination des dirigeants des organes de contrôle, afin d’assurer leur impartialité.

3. Amélioration de la transparence et de la reddition des comptes

La transparence est un pilier fondamental d’une gestion publique saine. Pour renforcer la transparence, il est recommandé de rendre obligatoire la publication en ligne des rapports d’audit et des recommandations, afin que les citoyens puissent surveiller l’utilisation des fonds publics. De plus, il serait bénéfique d’encourager les organisations de la société civile à participer aux processus de contrôle et d’audit, en les impliquant dans les consultations et les évaluations des politiques publiques.

4. Renforcement des sanctions contre la corruption

Pour dissuader les actes de corruption et de mauvaise gestion, il est crucial d’améliorer les sanctions. Il est nécessaire de renforcer les lois existantes et de garantir leur application rigoureuse contre les responsables de la mauvaise gestion des fonds publics. La création de tribunaux spécialisés dans les affaires de corruption et de détournement de fonds publics, avec des juges formés pour traiter ces dossiers complexes, serait également une mesure efficace. Enfin, il est important d’instituer des protections légales pour les lanceurs d’alerte, qui jouent un rôle crucial dans la dénonciation des abus et des fraudes.

III. Perspectives d’avenir pour une meilleure gestion financière en Guinée

Le renforcement des mécanismes de contrôle et d’audit en Guinée est une étape cruciale pour améliorer la gestion des fonds publics. Toutefois, ces efforts doivent être soutenus par une volonté politique ferme et un engagement de toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement, les institutions publiques, la société civile, et les partenaires internationaux. Les réformes proposées, si elles sont mises en œuvre de manière rigoureuse, pourraient transformer la gestion des fonds publics en Guinée, assurant ainsi une utilisation plus efficiente des ressources pour le développement du pays. En fin de compte, une meilleure gestion financière renforcera la confiance des citoyens dans les institutions publiques et contribuera à la stabilité économique et sociale de la Guinée.

Conclusion

L’utilisation des fonds publics en Guinée reste un domaine qui nécessite une vigilance constante. Renforcer les mécanismes de contrôle et d’audit est non seulement une exigence pour une bonne gouvernance, mais aussi une condition sine qua non pour un développement durable. En adoptant des réformes ciblées pour améliorer la transparence, l’indépendance des organes de contrôle, et la mise en œuvre effective des recommandations d’audit, la Guinée peut faire un pas décisif vers une gestion financière plus responsable et plus efficace.

 

REFERENCES

Rapports institutionnels

1. Cour des Comptes de la République de Guinée (2022), Rapport annuel 2021

2. Inspection Générale d’État de Guinée (2020), Rapport sur l’état des finances publiques en Guinée

3. Transparency International (2021), Indice de perception de la corruption 2021: Rapport Guinée

Articles et études spécifiques

4. Banque Mondiale (2021), Guinée: Gouvernance et transparence des finances publiques.

5. Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) (2019), Guide de l’audit interne pour les entreprises publiques en Afrique

Législation et textes officiels

6. République de Guinée (2017), Loi n° L/2017/003/AN portant création et organisation de la Cour des Comptes

7. République de Guinée (2019), Loi organique n° L/2019/002/AN relative à l’Inspection Générale d’État

Sources en ligne et bases de données

8. Banque Africaine de Développement (BAD) (2022), Base de données sur la gestion des finances publiques en Guinée, disponible sur: https://www.afdb.org

9. International Monetary Fund (IMF) (2020), disponible sur: https://www.imf.org

Author: La Rédaction

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